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Le dépistage du cancer colorectal : panorama et enjeux

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Le cancer colorectal est l’un des cancers les plus connus dans le monde, affectant à la fois les hommes et les femmes. Il occupe la deuxième place des cancers invasifs, heureusement une détection précoce augmente considérablement les chances de guérison. Dans plus de 80% des cas, le cancer colorectal provient d’une tumeur bénigne évoluant lentement avant de devenir cancéreuse.[1] Une prise en charge précoce associée à un traitement adéquat permet une survie de l’ordre de 90%.[2] Malheureusement, ce cancer ne présente souvent aucun symptôme, ce qui rend difficile sa détection. Toutefois, des programmes de dépistage efficaces ont été mis en place dans de nombreux pays, ce qui a permis de réduire considérablement la mortalité.

 

Les méthodes de dépistage du cancer colorectal [3], [4]

Il existe plusieurs méthodes de dépistage du cancer colorectal dans le monde pouvant être regroupées en deux catégories : les méthodes indirectes et les méthodes directes. 

Les méthodes indirectes incluent les Tests Immunologiques Fécaux (FIT) ou les Tests de recherche de Sang Occulte dans les Selles (TSOS) également connus sous le nom de test Gaïac. Ce sont toutes deux des méthodes de recherche de sang dans les selles. En effet, certaines tumeurs bénignes (polypes) ou cancéreuses peuvent provoquer des saignements minimes invisibles à l’œil nu. Ces tests sont simples, non invasifs et peuvent être réalisés à domicile. Cependant, ils ne permettent pas de détecter les lésions précancéreuses et ne sont pas aussi sensibles que les méthodes directes. 

Les méthodes de dépistage directes permettent de visualiser l’intérieur du côlon et du rectum et de réaliser des prélèvements si nécessaire.

La coloscopie est considérée comme la méthode la plus complète et efficace pour le dépistage du cancer colorectal car elle permet de visualiser les lésions précancéreuses et cancéreuses dans tout le côlon et le rectum. De plus, si un polype est trouvé, il peut être retiré immédiatement lors de l’examen. La coloscopie nécessite une préparation intestinale consistant en un régime alimentaire spécifique 3 jours avant l’examen et en la prise d’une préparation colique. Cette préparation sert à « laver » le côlon pour que ses parois puissent être visualisées facilement lors de la coloscopie. Cette dernière est réalisée sous anesthésie générale ce qui la rend indolore.

La sigmoïdoscopie, quant à elle, permet de visualiser seulement la partie inférieure du côlon et du rectum, elle est moins invasive. 

Le choix de la méthode de dépistage dépend de facteurs individuels tels que les symptômes, les antécédents personnels et familiaux, et les facteurs de risques ayant trait au mode de vie (alcool, tabac, sédentarité, surpoids, alimentation pauvre en fibres, consommation excessive de viandes rouges et produits transformés).

 

Le programme de dépistage en France  [1], [4]

De nombreux pays ont mis en place des programmes de dépistage du cancer colorectal mais leurs mises en œuvre varient considérablement en fonction de la richesse et de l’organisation du système de santé. Le taux de participation varie d’un pays à l’autre et dépend souvent de facteurs tels que le coût du dépistage pour le patient, l’accessibilité, la sensibilisation et la qualité des soins de santé. 

En France, le programme national de dépistage précoce a été lancé en 2008 et a connu des améliorations au fil des années. Il est aujourd’hui gratuit, accessible à tous les hommes et femmes âgés de 50 à 74 ans sans antécédent, facteur de risque ou symptôme spécifique. Ce programme est composé de deux étapes principales : la réalisation du test immunologique (FIT) suivi d’une coloscopie en cas de résultat positif au test, ce qui représente 4% des cas. Un résultat positif au test ne signifie pas forcément qu’il y a un cancer mais seulement que du sang a été détecté dans les selles. La coloscopie ne décèle aucune anomalie dans plus de la moitié des cas. Cependant, un polype est détecté dans 30 à 40 % des cas et un cancer dans 8 % des cas. 

Les Centres Régionaux de Coordination des Dépistages des Cancers (CRCDC) envoient un courrier aux personnes concernées par le dépistage organisé afin de les inviter à se faire dépister tous les 2 ans. 

Les modalités d’accès sont simples : vous pouvez vous procurer un kit de dépistage chez votre médecin généraliste, gynécologue, gastro-entérologue ou en pharmacie, avec ou sans invitation, et bénéficier des conseils d’utilisation par vos professionnels de santé. Vous pouvez également commander le kit en ligne et le recevoir chez vous directement depuis le site : monkit.dépistage-colorectal.fr sur invitation. Ces tests et leurs analyses sont intégralement pris en charge par l’Assurance maladie. Vous recevrez un kit contenant un mode d’emploi, une fiche d’identification, le matériel nécessaire ainsi qu’une enveloppe retour vous permettant de réaliser le test le plus facilement possible. Les résultats sont ensuite transmis par courrier ou de façon dématérialisée. 

Avant 50 ans, si vous ne présentez ni symptôme (tels que des douleurs abdominales fréquentes, des troubles du transit, une fatigue inexpliquée ou une perte de poids non-intentionnelle), ni antécédent personnel ou familial, ni facteur de risque, vous n’êtes pas concerné(e) par le programme national de dépistage. Par ailleurs, si vous présentez un de ces critères, parlez-en à votre médecin qui évaluera la nécessité ou non de réaliser des tests complémentaires. Après 75 ans, vous ne recevez plus d’invitation à participer au dépistage organisé, néanmoins la poursuite des tests est possible par prescription du médecin en cas de symptômes ou de facteurs de risque.

 

Malgré un programme facilité, le taux de participation au dépistage organisé du cancer colorectal en France reste faible avec seulement 35% de la population ciblée ayant réalisé un test de dépistage en 2020-2021. Ce chiffre est en hausse, mais il reste toujours en deçà du standard européen qui est de 45%. [5]

Plusieurs freins à l’adhésion de la population à ce dépistage ont été identifiés. Tout d’abord, bien que le test soit réalisable à domicile, cela demande une démarche active et une manipulation des selles qui peut être embarrassante pour certaines personnes. De plus, de nombreuses personnes ne se sentent pas concernées par le dépistage en l’absence de symptôme en raison d’une confusion entre dépistage et diagnostic. Enfin, la peur du diagnostic ainsi que la méconnaissance des modalités de dépistage sont également des facteurs freinant la participation. 

Il est important de souligner que la menace du cancer colorectal est particulièrement forte dans les pays à haut indice de développement humain (l’Europe de l’Ouest, l’Amérique du Nord, l’Australie et le Japon se distinguent très nettement). Cela suppose que l’incidence de la maladie a augmenté en parallèle avec des modifications importantes survenues dans les habitudes alimentaires des pays les plus riches (consommation d’alcool et de tabac, pauvreté de la nourriture en fruits et légumes, consommation croissante de viande rouge, obésité plus répandue et inactivité physique). Le risque est d’autant plus grand que le vieillissement de la population et l’évolution démographique constituent des éléments défavorables supplémentaires. 

cancer colorectal monde

Figure 2 : Taux d’incidence, standardisé sur l’âge, du cancer colorectal dans le monde en 2018, pour les deux sexes, à tout âge (Globocan 2018) [6]

 

Bien que la plupart des pays à haut indice de développement humain aient adopté des programmes de dépistage similaires à celui de la France, il existe des différences significatives dans les taux de participation. Le Royaume-Uni présente un taux de participation de 71% en 2021[7], les Etats-Unis de 67,1% en 2019[8] et l’Australie de 44,4% en 2020-2021[9].

 

Pourquoi la France ne parvient-elle pas à obtenir des résultats comparables ?

De légères différences peuvent être révélées, telles que l’envoi direct au domicile du kit de dépistage ou la possibilité de choisir entre différentes méthodes de dépistage en Allemagne [10] et aux Etats-Unis.
Concernant la promotion du dépistage, chacun de ces pays utilisent des campagnes de sensibilisation à grande échelle pour encourager la population avec des méthodes similaires telles que : les publicités à la télévision, les affiches dans les lieux publics, les annonces à la radio, les réseaux sociaux et les courriers de prévention

On peut supposer des raisons potentielles pour expliquer le taux inférieur de participation en France. Tout d’abord, il est possible que des différences culturelles et des attitudes comportementales vis-à-vis du dépistage jouent un rôle important dans la faible participation. En effet, en France, on note une réticence à parler de ses problèmes de santé ce qui peut rendre difficile la communication autour du dépistage. De plus, les différences dans le système de santé et les pratiques médicales peuvent également influencer la participation. Par exemple, le système de santé en France est différent de celui des Etats-Unis où les patients peuvent être plus incités à se faire dépister en raison des coûts élevés des soins de santé en cas de cancer. De plus, la culture de la médecine préventive semble être moins développée en France que dans d’autres pays. En effet, le système de santé français est beaucoup plus tourné vers le curatif que le préventif.      

 

Les pays à faible incidence tout de même concernés

Dans les pays les plus pauvres, la promotion des programmes de dépistage des cancers colorectaux peut être plus difficile en raison des ressources limitées et des conditions socio-économiques telles que l’accès limité aux soins et le manque d’éducation en matière de santé. Cependant, il existe des initiatives pour promouvoir le dépistage dans ces pays. Par exemple, en Afrique du Sud, l’organisation CANSA (Cancer Association of South Africa) est impliquée dans la promotion des programmes de dépistage du cancer colorectal dans les communautés défavorisées. [11] Elle utilise des ressources telles que des dépliants, des affiches et des programmes de sensibilisation pour informer le public de l’importance du dépistage. En Inde, le gouvernement a lancé un programme national de dépistage des cancers en 2016. Celui-ci utilise des programmes de formation pour les professionnels de santé et des cliniques mobiles pour atteindre les populations défavorisées. [12]

 

Perspectives d’amélioration dans le dépistage du cancer

Le plan de lutte contre le cancer proposé par l’Union Européenne en février 2021 prévoit un soutien aux États membres afin d’atteindre l’objectif d’un taux de participation de 90% aux programmes de dépistage du cancer du sein, du col de l’utérus et du cancer colorectal en 2025. [13]

En France depuis 2009 [14], un mois de sensibilisation spécifique est consacré au dépistage des cancers colorectaux : Mars Bleu.  Différentes actions sont proposées tout au long du mois : promotion du dépistage, mobilisation des professionnels de santé, campagnes de communication, témoignages et défis en lien avec le cancer. L’objectif étant d’accroître la visibilité de ce dépistage et d’avoir une plus grande portée comme Octobre Rose l’est pour le dépistage du cancer du sein. 

 

 

Références
[1] Cancers du côlon : les points clés – Cancer du côlon. (s. d.). Institut National Du Cancer – Accueil. 
[2] Cancer colorectal : 90% de guérison en cas de détection précoce | Fondation contre le Cancer. (s. d.). Fondation contre le Cancer. 
[3] Coloscopie et sigmoïdoscopie · Info santé. (s. d.). infosante.be. 
[4] Dépistage organisé du cancer colorectal. (s. d.). ameli, le site de l’Assurance Maladie en ligne | ameli.fr | Assuré. 
[5] Cancer colorectal : données de dépistage 2020-2021. (s. d.). Accueil. 
[6] Global Cancer Observatory. (s. d.). Global Cancer Observatory. 
[7] Bowel cancer screening. (s. d.). Cancer Research UK. 
[8] Colorectal Cancer Screening | Cancer Trends Progress Report. (s. d.). Home | Cancer Trends Progress Report. 
[9] Cancer screening programs: quarterly data, Bowel cancer screening participation – Australian Institute of Health and Welfare. (s. d.). Australian Institute of Health and Welfare. 
[10] Darmkrebsfrüherkennung. (s. d.). KBV – Kassenärztliche Bundesvereinigung. 
[11] Colorectal Cancer – CANSA – The Cancer Association of South Africa. (s. d.). CANSA – The Cancer Association of South Africa. 
[12] National Health Portal of India, Gateway to Authentic Health Information. (s. d.). National Health Portal of India, Gateway to Authentic Health Information. 
[13] Press corner. (s. d.). European Commission – European Commission. 
[14] Mars Bleu. (s. d.). Mars Bleu.