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Les papillomavirus humains : ennemis des hommes autant que des femmes

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La vaccination contre le papillomavirus a fait ses preuves et permet d’éradiquer un grand nombre de cancers. Mais pour que la couverture vaccinale soit efficace, elle ne doit pas se limiter aux jeunes filles. De nombreuses études montrent désormais les liens entre les infections à papillomavirus humains (HPV) et la survenue de plusieurs types de cancers.

Une idée reçue circule selon laquelle les hommes ne seraient pas concernés par ces cancers induits par l’HPV. La raison tient peut-être au fait que le projecteur a été mis sur le cancer du col de l’utérus et donc une atteinte exclusivement féminine. Mais cette idée reçue est bien évidemment fausse ! L’homme n’est pas seulement un vecteur potentiel du virus mais peut aussi en être victime. En effet, 4750 hommes sont diagnostiqués par an en France d’un cancer dû à un HPV. 

 

Les papillomavirus humains en cause dans la survenue de certains cancers

Papillomavirus humains et cancers

Au-delà d’être la plus fréquente des infections sexuellement transmissibles dans le monde, le papillomavirus humain (HPV) est également le principal agent infectieux pouvant induire des cancers (on parle aussi de cancers viro-induits). 

Transmis sexuellement, ces virus sont responsables d’environ 6300 cas de cancers par an en France (1). En termes de répartition, un peu moins de la moitié sont des cancers du col de l’utérus. Les autres sont des cancers de l’anus, de la sphère oro-pharyngée, du pénis chez l’homme, du vagin et de la vulve chez la femme. 

Des risques différents selon les espèces de papillomavirus humains

Parmi les quelque 200 types de papillomavirus humains identifiés, certains vont affecter préférentiellement la peau, d’autres les muqueuses (génitale, anale, orale particulièrement).

Par ailleurs, les espèces d’HPV sont classées selon leur niveau de risque vis-à-vis du développement d’un cancer : les espèces à haut risque cancérogène et celles à bas risque. Ils sont identifiés grâce à un sérotype qui leur est propre (2).

Les HPV sont dits à haut risque (HR) lorsqu’ils sont impliqués dans la survenue d’un cancer et reconnus comme responsables de lésions dites précancéreuses. En l’absence de traitement, ces lésions précancéreuses peuvent évoluer vers la cancérisation. À ce jour, 12 espèces d’HPV sont reconnues comme cancérogènes. Les génotypes HPV 16 et 18 sont les plus connus.

Les infections à HPV à bas risque prennent plutôt la forme de verrues ano-génitales, encore appelées condylomes, et n’ont pas d’association connue avec le cancer.

 

Le schéma ci-dessous résume et illustre la répartition des différentes lésions et cancers :

chiffres qui montrent le nombre de cancer chez la femme VS chez l'homme

Les cancers liés au HPV concernent aussi les hommes

Cancer anal

90 % des cancers anaux sont dus aux HPV. Le cancer de l’anus reste largement minoritaire si on le compare aux 4 cancers principaux (poumon, prostate, sein, côlon).

Toutefois, il s’agit d’un cancer évitable grâce à une démarche de vaccination préventive. Il semble donc essentiel de l’évoquer.

De plus, les hommes comme les femmes sont concernés. Dans une étude menée chez 366 patients, environ 40 % des personnes atteintes sont des hommes (3). La présence d’au moins un génotype à haut risque a été retrouvée dans 91 % des cas. Le type HPV 16 est le plus fréquemment retrouvé.

Cancers oro-pharyngés (ORL)

La première cause des cancers ORL est l’intoxication alcoolo-tabagique. Néanmoins, il existe un nombre grandissant de cancers ORL imputables à certains types de papillomavirus humains. Les cancers ORL viro-induits touchent particulièrement les amygdales ainsi que la base de la langue.

Aux États-Unis, le nombre de cancers ORL dus aux HPV est en train d’exploser et croît de manière exponentielle, au point que leur incidence dépasse désormais celle du cancer du col de l’utérus ! En France, comme dans d’autres pays occidentaux, ce constat commence à se vérifier. Dans la région Ile-de-France, notamment, ces cancers de la gorge liés aux HPV sont en nette augmentation.

À l’inverse du cancer anal, les hommes sont proportionnellement plus touchés. Dans l’étude d’Hartwig de 2017, qui réunit une grande cohorte (1543 personnes), plus de 75 % sont des hommes. Le sérotype 16 est le plus fréquemment impliqué dans ces cancers ORL (4).

Cancer de la verge

Le cancer de la verge est une tumeur maligne rare qui touche préférentiellement l’homme de plus de 60 ans. Son incidence est très faible en France (environ 500 cas par an).

L’infection à HPV est un facteur de risque mis en évidence, particulièrement avec les sérotypes 16 et 18. Il s’agit bien d’un exemple de cancer exclusivement masculin rattaché au HPV.

Plus la vaccination anti-HPV se fait jeune, meilleure est l’efficacité à long terme

Un vaccin fiable et efficace

D’abord, il faut rappeler que de nombreuses études publiées depuis 2007, année de commercialisation du vaccin anti-HPV, convergent toutes pour appuyer le fait que cette vaccination est efficace et bien tolérée (5).

L’OMS a, de ce point de vue, publié des chiffres qui doivent être considérés comme pleinement rassurants. Avec 10 ans de recul, sur plus de 270 millions de doses injectées, il n’a pas été montré de recrudescence de maladies graves ni de lien avec les maladies auto-immunes (6).

Vacciner tôt contre les HPV réduit de moitié le risque de cancer du col de l’utérus

La vaccination protège d’autant mieux qu’elle est pratiquée chez les jeunes femmes de moins de 17 ans car cette démarche précoce permet de diminuer de plus 55 % le risque de développer un cancer du col ultérieurement (7). La vaccination représente donc un moyen de prévention majeur. 

Incidence cumulée du cancer invasif du col utérin selon le statut vaccinal contre le HPV. D’après Lei J. et coll.

Néanmoins, se faire vacciner plus tard permet également, malgré un taux de protection moindre, de bien protéger du risque de cancer du col de l’utérus.

Un objectif de couverture vaccinale optimale et des moyens à mettre en œuvre

L’INCa (Institut national du cancer), dans sa stratégie décennale de lutte contre les cancers 2021-2030, envisage une couverture vaccinale atteignant 80% à l’horizon 2030 (8).

La couverture vaccinale pour le papillomavirus humain est largement insuffisante en France. 

Pour freiner la transmission au sein de la population générale et accroître la protection, la Haute Autorité de Santé (HAS) a publié des recommandations d’élargissement de la vaccination aux garçons en décembre 2019 (9), et cette décision est effective depuis janvier 2020.

De plus, à partir de la rentrée de septembre 2023, le vaccin sera proposé gratuitement aux collégiens des classes de 5e (10).

Le premier message essentiel à retenir est que plus d’un quart des cancers provoqués par les HPV surviennent chez les hommes, car ce sont des virus sexuellement transmissibles qui touchent donc l’ensemble de la population. Le second est que la vaccination contre les HPV doit être effectuée jeune, avant le début de l’activité sexuelle. Et c’est bien pour toutes les raisons développées dans cet article que les recommandations françaises actuelles ciblent les filles autant que les garçons.

 


Sources :

  1. Vié le Sage F, Cohen R. Preventing cancer : The role of Papillomavirus vaccination in the general population. Bull Cancer (Paris). 2020;107(1):10-20. doi:10.1016/j.bulcan.2019.12.006
  2. Hartwig S, Syrjänen S, Dominiak-Felden G, Brotons M, Castellsagué X. Estimation of the epidemiological burden of human papillomavirus-related cancers and non-malignant diseases in men in Europe: a review. BMC Cancer. 2012;12(1):30. doi:10.1186/1471-2407-12-30
  3. Abramowitz L, Jacquard AC, Jaroud F, et al. Human papillomavirus genotype distribution in anal cancer in France: The EDiTH V study. Int J Cancer. 2011;129(2):433-439. doi:10.1002/ijc.25671
  4. Gillison ML. Human papillomavirus-related Diseases: Oropharynx Cancers and Potential Implications for Adolescent HPV Vaccination. J Adolesc Health Off Publ Soc Adolesc Med. 2008;43(4 Suppl):S52-S60. doi:10.1016/j.jadohealth.2008.07.002
  5. Harder T, Wichmann O, Klug SJ, van der Sande MAB, Wiese-Posselt M. Efficacy, effectiveness and safety of vaccination against human papillomavirus in males: a systematic review. BMC Med. 2018;16:110. doi:10.1186/s12916-018-1098-3
  6. L’OMS actualise ses recommandations concernant le calendrier de vaccination contre le PVH. Accessed April 4, 2023. https://www.who.int/fr/news/item/20-12-2022-WHO-updates-recommendations-on-HPV-vaccination-schedule
  7. Lei J, Ploner A, Elfström KM, et al. HPV Vaccination and the Risk of Invasive Cervical Cancer. N Engl J Med. 2020;383(14):1340-1348. doi:10.1056/NEJMoa1917338
  8. feuille_de_route_-_strategie_decennale_de_lutte_contre_les_cancers.pdf. Accessed April 18, 2023. https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/feuille_de_route_-_strategie_decennale_de_lutte_contre_les_cancers.pdf
  9. Recommandation sur l’élargissement de la vaccination contre les papillomavirus aux garçons. Haute Autorité de Santé. Accessed April 20, 2023. https://www.has-sante.fr/jcms/p_3116022/fr/recommandation-sur-l-elargissement-de-la-vaccination-contre-les-papillomavirus-aux-garcons
  10. Papillomavirus : vaccination généralisée à la rentrée 2023 pour les élèves de 5e. Accessed April 21, 2023. https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A16438